Xénophobie Business par Claire Rodier
Juriste au Gisti, Claire Rodier analyse les enjeux économiques et politiques de la lutte anti-migratoire. Repérer, bloquer, expulser les migrants est devenu un marché extrêmement lucratif, pour les passeurs et pour les multinationales de sécurité. Dans son livre « Xenophoby business » dont elle parle dans l’entretien des Archives du Présent, Claire Rodier nous plante le décor de cette politique migratoire orchestrée au profit des grandes entreprises de sécurité, parfois de défense. Un business très juteux qui se privatise à grand train.
Sommaire
- 1 Ces chiffres aux décimales qui s’envolent
- 2 Plus les frontières se durcissent, plus l’argent s’accumule
- 3 Les arguments à l’œuvre pour ces mesures de plus en plus dures
- 4 Le budget de l’agence FRONTEX
- 5 L’agence FRONTEX est une sorte d’emblème
- 6 Le nombre des migrants s’accroit-il ?
- 6.1 En 2005 on les décrivait comme des migrants comme des gens qui cherchent à travailler (migrants économiques)
- 6.2 Après les printemps arabes, ce sont plutôt des exodes plutôt que des afflux ou des explosions
- 6.3 Un réveil des consciences ?
- 6.4 Récapitulatif de la politique de l’Europe
- 6.5 L’impulsion est donnée par les vieux pays de l’immigration
- 6.6 Le reflexe de repli
- 7 La solution de Claire Rodier
- 7.1 Il n’y a pas de problème d’immigration, le problème est ce qu’on en fait, et comment on en parle.
- 7.2 Apartheid mondial : pourquoi certains ont droit de bouger et d’autres pas ?
- 7.3 Liberté de circulation
- 7.4 Derrière les politiques migratoires se cachent des objectifs peu glorieux
- 7.5 Une gouvernance mondiale de la migration
Ces chiffres aux décimales qui s’envolent
Sous la barre des regards indignés
Ce sont quinze, vingt-cinq milles morts, en Méditerranée et aux frontières de Schengen, quinze à vingt-cinq milles morts, qui n’arrêtent pas les affaires. Car cette guerre déclarée par l’Europe à des individus armés seulement de leur courage et de leur détermination, est une pseudo-guerre qui n’a pas d’adversaires. En revanche, autour de la petite armée qui a été mise en place, FRONTEX, se deploie un tissu de partenaires et de sous-traitants qui génèrent toujours plus de profit.
Cherchez l’erreur
Si les migrants rapportent des milliards à des multinationales, il ne faut pas oublier que d’un autre côté, ces dispositifs de sécurité et de contrôle superfétatoires coûtent très chers au contribuables, dans le cadre de ces politiques migratoires déployées et durcies au cours des dernières décennies.
Juriste au Gisti, Groupe d’Information et de Soutien aux Travailleurs Immigrés, Claire Rodier, qui travaille depuis vingt ans sur les flux migratoires, alerte sur la surveillance aux frontières qui s’étoffe et se perfectionne à grand renfort de technologie. Le fait que ce soit un marché profitable est totalement occulté par les médias..
Les passeurs y sont l’arbre qui cache la forêt. Car, sont-ils les seuls à profiter des ces politiques de plus en plus déviantes ?
Un effet mécanique de la politique migratoire des Européens, qui met la focale médiatique sur eux, est une première cause de cette déviance. C’est en rendant les portes et les frontières toujours plus étroites que l’on peut générer un marché noir : aussitôt que l’on ferme une frontière s’y forment des réseaux de passeurs., et que s’y intensifient les trafics. Les gouvernements le savent bien.
Un contrôle obsessionnel aujourd’hui cristallisé aux frontières
Ce qui est moins visible, ce sont les moyens mis en oeuvre pour les contrôler, ces frontières. L’obsession du contrôle n’est pas nouveau, puisque c’est un objectif constant dès le XIXe siècle, se faisant bien souvent à la tête du client.
L’activité profitable de fermeture des frontières ne bénéficie en outre pas qu’aux passeurs, puisqu’à l’occasion, elle sert aussi à des ambitions électorales se prévalant de leur capacité de protection de la population. Mais inventer un ennemi pour pouvoir montrer qu’on le maitrise n’est pas que le levier récurrent des discours populistes. Ce levier est aujourd’hui à portée de main de tout citoyen, l’investissant d’une prérogative qui le dépasse. Il semble que cet instrument tende à ressembler de plus en plus à un instrument de torture.
Plus les frontières se durcissent, plus l’argent s’accumule
Un passage peut rapporter à un passeur de 200€ à 10 000€ (Syriens, depuis le printemps arabe), pour les frontières de l’union européenne. Ce sera à la carte, selon ses moyens, en zodiaque ou en cargo…
Le côté lucratif de la « sécurité globale » rapporte 450 milliards d’euros à ses prestataires. Les passeurs tous confondus n’atteindront jamais ces sommets. Pourtant, eux seuls seront pourchassés, même s’ils travaillent pour des acteurs de l’ombre, assez protégés pour n’apparaitre jamais.
Les arguments à l’œuvre pour ces mesures de plus en plus dures
Après le 11 septembre, on voit une évolution dans la plupart des pays (Italie, Espagne…) qui, sur l’impulsion des États-Unis, ont fait de la lutte contre le terrorisme international un objectif prioritaire, alors que ce n’était pas dans leurs préoccupations. Se met en place alors une surveillance de tous les édifices et des établissements à risque, en même temps que le discours d’extrême droite oriente son aiguillon empoisonné vers les primaires leviers humains de la peur. La menace se fait localisable. Depuis, il y a de plus en plus de lieux sensibles dont quelques multinationales se partagent le marché mondial, y plaçant des gardes, des vigiles. Ce sont les entreprises de « sécurité ».
C’est depuis aussi, qu’a été fait l’amalgame entre lutte contre le terrorisme et lutte contre l’immigration irrégulière, montrées indument comme les deux jambes d’un monstre qui menace les pays industrialisés. Une image simple et efficace qui arrange bien des commerces. Or, les chiffres montrent que le terrorisme doive plus, dans un pays comme la France, à l’immigration de deuxième génération et au passé colonial, qu’au passage actuel de gens cherchant du travail, ou venus trouver refuge dans les pays aux lois protectrices.
Sur ces terrains, de multiples prédateurs de migrants se bousculent.
- Sécurisation de frontières par une industrie en plein essor. G4S, Cisco ou Safran en tête de la cyber sécurité se partagent avec d’autres géants ce marché. Une multinationale comme l’entreprise SAFRAN ELECTRONICS & DEFENSE cumule les compétences et peut donc se positionner avantageusement sur le marché des frontières : systèmes d’information et de communication, détection, localisation, acquisition et leurrage, protection des infrastructures, logistique opérationnelle et soutien des camps/infrastructures, services de sous-traitance. Safran, entreprise née en 2005, à la faveur des événements terroristes de la fin du XXème s. et du début du XXème, publie ses résultat en février 2022 : un chiffre d’affaire annuel de plus de 15 milliards en 2021 (15 257 M€ ou 15 257 000 0200 d’euros).
- Accompagnement et gestion de l’immigration irrégulière par des acteurs publics et de plus en plus privés. Le secteur de la sécurité est un employeur de premier ordre, les chiffres
- En 2019, le secteur de la sécurité privée en France compte 5 700 entreprises et réalise un chiffre d’affaires de 7,0 milliards d’euros, soit 5,7 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des activités de soutien hors location. La crise sanitaire a permis d’augmenter la liste de ses services (contrôle, gestion des attroupements…)
- Depuis le début de l’année 2000, le business humanitaire s’est privatisé (associations plus ou moins caritative). Les passerelles entre non lucratif et lucratif sont de plus en plus nombreuses.
Le budget de l’agence FRONTEX
Il a été multiplié par 15 en 10 ans : 130 millions d’euros, mais c’est aussi pour la surveillance des frontières hors FRONTEX. Car ce budget intègre l’aide au développement et à la coopération, qui n’à priori rien à voir avec les migrations. Cette enveloppe de l’Europe inclut toujours plus de clauses migratoires.
À l’intérieur de ces enveloppes on trouve par exemple la formation de la police marocaine pour la surveillance des frontières ou des financements européens pour créer des centres de rétentions dans les pays sources.
En réalité, l’argent est dilué, ce qui a pour conséquence qu’il est difficile de faire des évaluations. Ce serait intéressant pourtant, de scruter les chiffres. On y verrait que les expulsions coûtent 30 000 euros par individu, or les discours du ministre parlent de 30 000 expulsions (X 30 000 euros ?)
G4S multinationale (plus gros employeur mondial toutes branches confondues) : Afrique du Sud, Royaume Uni, Étas-Unis et Australie. Cette entreprise a depuis les années 2000 investi le marché de la migration et sa surveillance à travers la gestion des centres de détention, ainsi que et le convoyage des migrants et leurs expulsions. Les valeurs de ces entreprises ne sont pas marquées par un souci des droits de l’homme, comme en témoigne l’affaire d’Orlando à laquelle l’entreprise G4S était liée.
Situation monopolistique des 6 ou 7 entreprises, répression violentes dans les centres de détention, morts lors de convoyage, les scandales se succèdent. Si des écarts sont constatés, le contrat sera confié à une autre société, puis encore une autre, sans que les méthodes changent.
C’est la privatisation-même de ces services qui mène à ces déviances.
C’est parce qu’il est maintenu grâce à ce jeu de chaises musicales que le marché peut entretenir cette pression due à des enjeux économiques.
Début 2014 en Australie, les morts des détenus du fait des mauvais réflexes des gardes ne provoquera pas de changement majeur dans la gestion.
Le sort funeste de l’expulsé nigérian en 2010 accompagné par plusieurs gardes de la G4S ne fera pas non plus la différence. Le vigiles ont pour consigne est de le plier en deux le nez sur les genoux et le ligoter jusqu’à ce qu’il se calme. Ce traitement l’a tué même avant le décollage. Ni les gardes ni la société gestionnaire, ni l’État n’a été inquiété.
Mais cela a mis le spot sur la société G4S. Comme la compagnie d’aviation peut porter plainte contre la société de sécurité, les gardes des entreprises sous-traitantes privées ont comme consigne d’utiliser tous les moyens coercitifs. Tabassage, ligotage, scotcher les gens des pieds à la tête… Les enjeux économiques sont tels qu’il faut faire plus fort, plus vite.
L’agence FRONTEX est une sorte d’emblème
Les pays coordonnent leurs politiques migratoires et communautarisent les moyens pour contrôler les frontières sud et est.
FRONTEX est une solution partielle parce que les pays ont des besoins différents. Elle est une structure européenne avec plusieurs types de missions : sillonne la méditerranée, analyse de risques, identifie les routes migratoires, enquêtes (assez peu transparentes) en collaboration avec des polices d’États non européens (problème juridiques dénoncés), s’occupe aussi du volet expulsion puisqu’ils affrètent des charters.
FRONTEX = une personnalité juridique aux 3000 fonctionnaires.
Il y a une différence entre le budget de fonctionnement et d’autres budgets. Ce sont les états membres qui fournissent les équipements, drones, bateaux, etc. Certains budgets sont plus personnels. S’ajoutent à ces budgets des crédits additionnels votés par l’Europe.
Le fonctionnement de l’agence est peu clair. Il ne respecte pas les droits fondamentaux. Si son fonctionnement est assez opaque, c’est au nom de la sécurité, une grande partie de son activité doit « demeurer cachée ». Il y a en outre une grande dilution de responsabilité du fait de cette fonction de coordination, théorique, mais qui arrange beaucoup FRONTEX. Elle peut ainsi se dire non responsable des actes des gardes-frontières qu’elle a postés. Détention arbitraire, refoulement avant qu’ils aient pu dire pourquoi ils sont à cette frontière, voilà l’accueil européen actuellement. Or, le droit d’asile fait que toute personne a le droit de dire, a droit à une protection.
Aux frontières sud les agents ont plutôt même des habitudes des refoulements systématiques.
L’existence même de FRONTEX permet aux états membres de se décharger de leurs obligations.
Certains parlementaires réagissent néanmoins, à travers des commission d’enquêtes et le mouvement FRONTEXIT.
Que fait FRONTEX des données personnelles ?
Des questions sont posées, d’autant qu’il n’y a pas vraiment de cour pour juger des situations déséquilibrées, dans un contexte où les migrants refoulés se retrouvent dans des pays où ils n’ont pas de moyens de réagir.
FRONTEX et son jeu d’interface
Voir FRONTEX comme une petite armée secrète de l’Europe semble un peu exagéré, mais la fonction qu’on ne peut pas ignorer, c’est son jeu d’interface entre tout le secteur de l’industrie militaire, de haute technologique et les responsables politiques qui sont appelés à voter l’augmentation des budgets en terme d’achat d’équipement. FRONTEX peut depuis 2011 acheter le matériel directement. Lien assez pernicieux entre l’insistance du discours politique sur la nécessité de surveiller les frontières et l’opportunité que représente la surveillance des frontières pour des industriels qui vendent du matériel de surveillance : les drones, les caméras, les murs érigés, l’industrie de contrôle en général. Mais le profit ne se limite pas à cela. Ces activités de commerce et de prestations se développent très souvent dans les mêmes mains que ceux qui produisent des équipements militaires. Des débouchés dans le domaine civil se sont désormais ouverts grâce à la migration, pour l’industrie militaire, qui jusqu’à présent les vendaient seulement comme instruments de guerre.
L’Europe est bien en guerre contre les migrants : elle applique même un régime pénal d’exception qui devient la norme.
Si certaines ONG disent que l’Europe est en guerre contre les migrants, c’est parce que les méthodes sont les mêmes. Mais elles justifient ainsi certaines entorses qui ne sont admises que dans un contexte urgent de guerre. Dire que l’Europe est en guerre légitime le régime pénal d’exception réservé aux étrangers migrants.
Les politiques migratoires, caractérisées par le durcissement des contrôles (paradoxalement), sont très peu fondées sur une analyse rationnelle de l’évolution de la mobilité des gens, mais répondent à d’autres enjeux : idéologiques et économiques.
Une méthode vieille comme le monde
Faire porter les problèmes par des étrangers, boucs émissaires, est ainsi aujourd’hui utilisé indépendamment de la réalité de la migration. Dans cette brèche idéologique, qui invente l’utilisation des frontières comme mode de domination, se sont engouffrés des enjeux économiques. Ce chiffon rouge agité contre les migrants est un leurre, cela fait longtemps que les centres de détentions cotés en bourse n’hésitent pas à influencer les états à voter des lois pour prolonger et augmenter les détentions.
L’Europe, ce laboratoire xénophobe
L’Europe est un bon laboratoire où l’héritage du post colonialisme peut, à travers la question de la migration, maintenir un rapport de sujétion avec un certain nombre de pays voisins de l’union européenne. Elle les chargera de faire le « sale boulot » que, drapée de ses droits de l’homme, elle n’a plus envie de faire,.En externalisant, l’Europe fait en sorte que les migrants ne se présentent plus physiquement aux frontièreS. Cela ne s’arrête pas là : elle négocie avec des pays tiers, Sénégal, Maroc, Mauritanie, (anciennes colonies) en leur mettant le marché en main. L’aide au développement se fera en échange de leur capacité à retenir leurs migrants. On exporte anisi cette idéologie propre à l’Europe, ou du moins à une certaine Europe, vers des pays qui n’ont aucun intérêt à retenir leurs populations.
La seule politique migratoire que l’Europe ait réussi à former tient en une phrase : éviter que les migrants se présentent à leurs frontières. Dans la mesure où ces flux sont inévitables, ce projet est absurde et contreproductif.
Que l’argent soit parfois utilisé à autre chose n’est pas étonnant, mais, le fait le fait de retenir les gens est fait avec des moyens qui ne correspondent pas aux standards de respect des droits européens, est autrement grave. Des reportages ont montré des images où la brutalité et la violence sont évidentes. Il existe maints exemples de violations, comme celles de l’enclave de MELILA aui a été bien documentée. .
Désormais, l’Europe veut externaliser tout ce qui relève des droits d’asile.
Le nombre des migrants s’accroit-il ?
Le plus triste c’est que globalement il n’y a pas d’explosion de la migration, mais des focus et des concentrations sont posés à certains points par les médias et les discours politiques. (41 :59)
La grande facilitation des moyens de communication et des transports est fonction de cette mobilité, qui est une incitation.
Les chiffres : les migrants internationaux représentent 3% de la population mondiale. Cette proportion n’augmente pas vraiment.
Le profil a changé mais est très conjoncturel : en 2010-15 on ne décrivait pas les migrants comme maintenant.
En 2005 on les décrivait comme des migrants comme des gens qui cherchent à travailler (migrants économiques)
Depuis les printemps arabes aux frontières sud, les personnes fuient leurs pays pour des raisons de survie et de guerre surtout.
L’exemple des Erythréens qui ont vécu une hémorragie de leur population est davantage visible aujourd’hui du fait qu’ils sont rejoints au sud de l’Europe par les Syriens. Mais leur migration est bien antérieure.
Ces migrants-là qui auraient tous droit à l’asile ne sont pas accueillis sur le territoire européen.
Autrefois, les migrants économiques ne venaient pas avec leur familles.
Après les printemps arabes, ce sont plutôt des exodes plutôt que des afflux ou des explosions
Les drames de la méditerrannée donnent à voir plutôt des exodes de type début du XXe siècle. C’est très conjoncturel et ce n’est pas la migration des Mexicains au sud des Etats-Unis.
Ces phénomènes d’exodes décrits souvent comme des drames, des explosions, des afflux massifs, devraient être inscrits dans l’histoire de la migration qui a connu énormément de bouleversements, et n’est finalement à considérer que comme une phase dans des siècles et des siècles de mobilité et n’affectant pas en général durablement la situation des pays dans lesquels les migrants arrivent.
Au-delà des discours populistes liés au terrorisme, dans les domaines anthropologiques, sociologiques et économiques, la plupart des gens qui travaillent sur la question, montrent que les migrations sont probablement impossibles à enrayer, mais que c’est un phénomène normal et qui trouve finalement sa place dans l’organisation chaotique du monde.
Un réveil des consciences ?
Si réveil des consciences il y a eu, il n’y a pas de vraie politique de l’Europe, même si les pays se réunissent quand il y a un coup de projecteur.
Les situations sont parfaitement prévisibles puisque les frontières sont bloquées, refusées aux Syriens par exemple, les obligeant à faire usage des passeurs.
Si on décide d’imposer des visas, des murs, des frontières, on ne devrait pas être étonné ni surpris par les événements.
Récapitulatif de la politique de l’Europe
La politique de l’Europe repose sur trois volets qui sont tous des mises à distance.
Premier volet : renforcer les moyens de l’agence FRONTEX, surveiller, repousser aux frontières.
Deuxième volet : lutter contre les passeurs et les trafiquants, alors que ça ne sert à rien si on n’arrête pas de leur fournir de la nouvelle clientèle en remettant de nouvelles barrières.
Troisième volet : coopérer avec les pays tiers, jusqu’à négocier avec des dictateurs, pour qu’il surveillent leur zone de leur côté et empêchent que leurs ressortissants migrent.
Pour ce qui est de la France, gouvernements de gauche et de droite se rejoignent dans le durcissement.
À l’échelle de l’Europe c’est encore plus net, parce qu’aux manettes de l’Europe, les mêmes fonctionnaires de chaque pays restent en place sur ces sujets, depuis 1970-80.
L’impulsion est donnée par les vieux pays de l’immigration
Les pays anciennement colons, dans les années 1970-80, (France, Royaume-Uni, Belgique et Allemagne), face à la crise pétrolière, ont décidé qu’il fallait commencer à limiter l’immigration. On a appliqué ces règles des vieux pays de l’immigration aux autres pays européens.
On retrouve des réflexes qu’on avait lorsqu’il y a un afflux d’étrangers, comme au temps des nazis et de l’exode des juifs.
Le reflexe de repli
Après l’annexion de l’Autriche par Hitler, les états ont organisé en 1938 une grande conférence de huit jours de discussion, pour finir par conclure, sur des motifs divers et variés, qu’on ne les accueillerait pas.
En 2011, au moment des printemps arabes, quand les Lybiens sont partis de Lybie, une réunion est organisée pour se protéger et non pas accueillir. Alors que le risque est extrêmement faible, ces décisions semblent être surtout motivées par l’opinion. Mais l’opinion est manipulable, les sondages pas toujours représentatifs.
Tous ces amalgames faits entre terrorisme et immigration, c’est tellement intégré dans la tête des européens, que n’importe quelle arrivée dérisoire semble être une menace.
La capacité d’absorbsion n’est pas « dépassée » du tout, les gens qui migrent passent quand même et s’installent, s’intègrent.
Le président Sarkozy avait agité le spectre de 20 000 Tunisiens arrivés sur l’île de Lampédusa. La mise en épingle de cet évenement qui s’est faite entre Berlusconi et Sarkozy, n’a pas empêché ces immigrés, soit de repartir d’eux-mêmes ou de s’intégrer. Les menaces des deux dirigeants ne se sont pas réalisées.
Cette monstration par les médias n’a d’effet que, soit d’attirer la compassion, soit d’engendrer la peur.
La solution de Claire Rodier
Pour elle il n’y en a pas qu’une seule.
On ne peut pas penser la question de la migration en l’isolant. On se doit pas résumer cette question au racisme, à la cohabitation des populations et à la menace, tout en l’isolant de façon extravagante des considérations économiques, géopolitiques, et des rapports entre états.
Si on ne prend pas en compte ces autres enjeux, on parlera toujours mal de la migration.
Il n’y a pas de problème d’immigration, le problème est ce qu’on en fait, et comment on en parle.
On ne peut pas continuer à concevoir un monde qui est un apartheid à l’échelle mondiale, parfaitement accepté et jamais remis en cause, qui existe vraiment aujourd’hui. Pourquoi certains ont-ils droit à des visas, et d’autres pas ?
Une grosse partie de la population mondiale n’a pas le droit de circuler partout. On trouve normal d’assigner à résidence cette part de la population là où elle se trouve.
Apartheid mondial : pourquoi certains ont droit de bouger et d’autres pas ?
Les contrôles migratoires qui prétendent empêcher les gens de franchir les frontières ou canaliser les flux poursuivent d’autres enjeux. Il y a plein d’autres raisons, et notamment économiques, comme les fortunes que se font des multinationales de sécurité.
Expliquons que c’est de l’idéologie, pour faire peur, que c’est pour rassurer les populations locales, pour envoyer un message aux migrants. S’il y avait plus de sincérité dans la gestion de ces outils, on pourrait peut-être mieux appréender ce droit de circulation humaine, comme par exemple, la liberté de circulation.
Liberté de circulation
À la fin des années 1990, c’est ce que le Gisti préconisait déjà : une politique migratoire qui serait fondée sur l’ouverture avec des exceptions, plutôt que la fermeture avec des exceptions, comme maintenant.
Il y a de plus en plus de gens qui réfléchissent à la question de l’ouverture des frontières, notamment des économistes ou même des agences de l’ONU, comme le programme pour le développement des Nations Unies, qui a consacré un rapport il y a déjà plusieurs années qui s’appelait : « Lever les barrières ». pour que ça fonctionne mieux, pour le développement, pour la croissance.
C’est mieux de permettre aux gens d’aller travailler où ils veulent.
Derrière les politiques migratoires se cachent des objectifs peu glorieux
Il y a plein d’autres raisons qui expliquent pourquoi on construit des murs inutiles (ex : nouveau mur Bulgarie-Turquie).
L’attitude des médias commence à changer, à évoluer, elles n’acceptent plus systématiquement les vieilles recettes qui voudraient que pour empêcher les migrants de se noyer il suffirait de les empêcher de passer. Pourquoi y a-t-il de plus en plus de morts en méditerranée alors qu’on n’arrête pas de sécuriser les frontières et avoir un dicours du « plus jamais ça » ?
Une gouvernance mondiale de la migration
Retirer aux états la gestion de la mobilité humaine dont ils ne font qu’un outil idéologique et éventuellement créent du profit avec, et la confier à une gouvernance mondiale de la migration, une agence type bureau international du travail, des ONG, responsables, des élus, des syndicats, des employeurs, et des migrants.