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Projection du film « La vie devant nous »
Notes intermittentes du film « La vie devant nous » de Frédéric Laffont et d’Ariane Chemin en collaboration avec Mariame Tighanimine, projeté au local de l’association Calima mercredi le 8 juin 2022 et la participation de l’assemblée nationale LCP, Arte….Le film est soutenu et financé par des gens (Maroc) qui vous donnent néanmoins des limites.
Après le film, le public entendra les commentaires de Samat, venu de Douai pour raconter son histoire de Chibani.
Chapelet de phrases relevées au long du film
Histoire des histoires… Felix Mora est venu… Mora prend les béliers et laisse les moutons… Recruteur… Je ne savais pas que j’étais pauvre (Meryem) … Il tapait avec son doigt sur le torse pour évaluer la force… Tampon vert « choisi », tampon rouge « perdu » directement sur la peau… Jeunes costaux et alphabétiques… File d’un kilomètre, un kilomètre et demi… Regarde tout, oreilles, yeux, les doigts, pas blessé… C’était organisé par l’État (Maroc). Les gens venaient des villages voisins… Attestation du chef du village… Tampon sur la poitrine… On était heureux d’être tamponnés, ça nous rendait normal… Dans un hangar… Je croyais qu’il me serrait la main, mais c’était pour me tâter. J’avais 18 ans il a mis 22… Envoyer de l’argent à mes parents. Je ferais tout pour mes parents… Négrier des Houillères… Félix Mora, n petit gros qui a serré la main à plusieurs millions de marocains… T’es pas content d’être ici ? C’est Dieu qui décide… Quitte ta maison et va où Dieu te conduit… « Mora nous a pris » … On est partis sous contrôle de l’État marocain, escortés comme des enfants qui sortent de l’école… Toujours les hommes traversent les mers et franchissent les montagnes, toujours… Le Lyautey… On était à la cale… On croyait que le bateau percutait une montagne…Trois jours, tout le monde est malade… Ils nous ont donné des sandwiches… Un petit carton avec 120, 150 passeports dedans… Quand on a touché la neige on ne savait pas ce que c’était… Séparés le matin, regardés un à un, pour voir comment on se comportait… Et l’Alsace… Dans des baraquements par six… Une grosse gamelle pour six personnes, chacun une fourchette, un couteau et un verre… On ne connaissait pas la langue, dans l’inconnu… Ils nous ont fait visiter la mine… Film avec le feu… Grisou… Oui ou non ? Certains n’ont pas voulu… Le premier jour on était quatre… On avait peur, on ne voulait pas y aller… Pensez à vos parents… Un million de personnes vivent du charbon… Compter les nuits froides dans la baraque… Après on a reçu le marteau piqueur… Mon numéro 5230 : je me souviens… Et la cage, on a eu peur, certains n’ont pas supporté la descente… Le bruit faisait mal aux oreilles à cause de la vitesse… Ça allait très vite… tout était noir et sale, il faisait tellement chaud… On travaillait en slip… Certains ont perdu une jambe, une main, un œil… C’était terminé… Dès que tu sentais la poussière tomber… Plus on travaillait, plus vite on était partis… On cassait les prix… Nous, on cassait les prix… On pense travailler deux ans… Finalement on n’est pas partis… On a eu des accidents plus que les autres, exposés à plus de risques… À l’heure du casse-croute, le charbon tombait… On tombait malades, certains sont morts… Les mines c’est comme l’armée, la guerre… Tu meurs… Mora c’est le rêve, amener les gens à découvrir le bonheur… En fait, un gâteau empoisonné… On est dans le besoin, on sort de là, en dessous de la terre… Ça reste dangereux… Silicose… On a été maltraités… Vous ne regrettez rien ? … On n’était pas des ouvriers comme les autres… On était sous un contrat spécial qui devait durer 18 mois… Visite médicale… Si on était trop fatigué, recalé ! … Sans un sou… Des tas de pauvres gens jetés sans rien… Je n’ai connu que le contrat précaire… Début 80, les mineurs marocains ont fait grève… Les mines fermaient… Un temps aux champs, un temps à la mine, sinon la solitude des pères qui tapent le charbon nuit et jour… Majorité des Polonais , d’Italiens, dans le nord… Il y en avait 500 à 700 par sous-préfecture… Que des célibataires… En 35-85 ils amènent leurs familles ici… Moi je n’ai pas étudié, je ne sais pas compter les années… J’étais une personne qui n’était jamais sortie de chez elle… On a vu notre père derrière une vitre… C’est bien notre père…Les magasins, on en avait jamais vus de notre vie, les bâtiments… Cité de Forbach, petit pays Berbère au pays de la Lorraine… Passe d’un village de montagne, pas d’électricité, l’eau dans le puit… Nous sommes des étrangers ici et des étrangers au Maroc… On n’a pas de pays… Ça c’est un problème… La mine, elle a fait travailler tout le monde… Il n’y avait plus rien à quoi se rattacher… Lutte de l’homme contre la matière… Tu te souviens de ton numéro de lampe ? … 2172, c’est même le code de mon téléphone… Numéro 141274… J’ai grandi dans un pays où la sécurité sociale… On parle de droits… La sécurité… Mon père était cueilleur de dattes… J’ai découvert une image, c’était la porte de la mémoire de mon père… L’histoire de l’industrie… Tous les anciens sont venus par Mora… C‘est le temps des cités… On a de la chance, on a de la valeur… J’ai quitté la mine en 1971… Chez Renault, il n’y avait pas de contrat, j’étais embauché… Il y avait du travail… Avec les robots, à partir des années 80… Mon père est content de son présent… Il n’était pas naïf… Plus de 80 000 marocains recrutés par Mora, plus de 600 000 français… Le maître et la matière c’étaient les seconds parents… L’école c’était la porte de sortie… On n’a pas traversé la méditerranée pour rien… Le États-Unis c’est zéro… Maintenant il voit le fruit de ses efforts… Djamel c’est lui qui nous a fait sortir de la cité… Fatima c’est l’écrivain public… Farida c’est ma seconde maman… Khadija notre électron libre… Dora a eu son bac à 16 ans… F au lycée militaire de St Cyr… S a un livre à la main depuis qu’il est tout petit… Je porte le nom d’un village marocain, c’est le nom que Mora a donné à mon père…
Intervention d’un invité venu de Douai pour raconter sa propre histoire
Samat (ancien mineur et syndicaliste) raconte :
Genèse du film
« Madame Chemin ,journaliste du Monde a voulu enquêter sur Mora. Meriem a vu ses articles : « mais ils parlent de mon père ! ». Le film révèle beaucoup de choses, pour nos jeunes.
La maison de production nous donne le droit de le diffuser sans rien du tout. Tout immigré peut se reconnaitre dans ces mineurs. Mora disait qu’il pouvait chercher de la main d’œuvre docile. Un autre recruteur va en Algérie pour y chercher des Kabyles. À l’époque, les mines étaient encore privées. C’étaient des indigènes qui ne revendiquaient pas .
L’amicale des travailleurs et des commerçants
Au début il n’était pas question de descendre dans la mine pour certains. Ces revendicateurs étaient casés dans d’autres postes pour les éloigner. Le mot d’ordre des directions était de ne pas parler, pas de politique, pas de syndicat.
Ça arrange d’ailleurs la politique marocaine, au Maroc c’est pareil. Le Maroc venait d’avoir son fauteuil, il se tenait à carreau. Les perdants sont les travailleurs dans cette histoire.
L’amicale des travailleurs et des commerçants était bien utile. L’Amicale a bien marché pour la France. Ceux qui étaient dans l’amicale étaient les chefs. On vous embauche mais en fait non. Le passeport était gardé par le consulat du Maroc, vous pouviez avoir 3 mois de permission à la fin de votre contrat de 18 mois si vous aviez signé.
On a perdu entre 25 à 40 % d’audition tellement les conditions dans la mine étaient dures à cause du bruit. Tuberculose, accidents, silicose : ceux-là on n’en a plus besoin. Et à la mine on ne cotise pas pour le chômage.
À la fosse à Barrois
Comment on va faire pour les renvoyer ? La solution était le fameux contrat de 18 mois. C’étaient les baraquements pourris, mis en place par les nazis pour les prisonniers.
Pour faire passer le contrat de 18 mois, ils nous convoquaient par 300 personnes, certains assis par terre. Si vous ne signez pas le contrat (suivent plusieurs conséquences). Si vous signez (… 2500/mois).
Certains comme moi avaient eu un accident et ne pouvaient plus travailler. J’ai glissé alors dans le syndicat.
Le contrat de 18 mois a fait beaucoup de dégâts, a eu pour conséquence la grève, qui ne s’appuyait sur aucun syndicat, les Marocains ne faisant pas confiance aux syndicats.
Après Mitterrand
C’est seulement depuis Mitterrand que les étrangers ont pu créer des associations et intégrer les statuts des mineurs comme les autochtones.
Accord en 1985 avec l’ambassade du Maroc. En 1989, on instaure le RMI en France.
Mora, le Maroc et la France, pensent « On va les aider à retourner », mais les Marocains ont résisté.
La directrice des assistantes sociales les a aidés.
Légion d’honneur pour Samat mais le père de sa femme était à Verdun et en Indochine.
Les conditions de vie pour les anciens mineurs après la fermeture des mines
Certains ne touchaient en pension que 27€ par mois pour tout remerciement.
Depuis la loi (De Gaulle) qui gèle la retraite des anciens combattants, aucun homme politique ne souhaite se souvenir d’eux.
On a été obligés de séquestrer les ingénieurs pendant que le DG était en congé. À la fin c’est encore pour nous la double peine.
Ça a été ensuite nationalisé. Ils ont fermé les mines, il y a eu accord entre les syndicats et les charbons.
Les autochtones ont acheté des logements mais les Marocains non : « Vous allez de toute façon retourner chez vous ».
Martine Aubry a créé une loi contre la discrimination.
La chose la plus importante c’est la dignité. Un Polonais était un monsieur, un Marocain non.
Des films à voir pour aller plus loin
– « Mémoires d’immigrés, l’héritage maghrébin » – 1. Les Pères – 2. Les Mères – 3. Les Enfants – film documentaire réalisé par Yamina Benguigui – France • 1997 • 160 minutes • Super 16 mm
– « Les Ayants droit » film documentaire réalisé par Marie Bonnard – France • 2013 • 52 minutes • HD