Sommaire
En France : un racisme d’État ?
Notes sur la rencontre avec Olivier Le Cour Grandmaison qui a dirigé avec Omar Slaouti le livre collectif « Racisme de France » en 2020 et vient débatte à la Maison des Associations de Strasbourg du racisme d’État, du racisme qui vient d’en haut.
Préambule
Bienvenue du président du MRAP Georges Yoram Federmann
« Nous sommes aliénés à l’injonction de choisir un camp sans pouvoir hésiter, reconnaître qu’on s’est trompés, reconnaitre l’autre comme un autre nous mosaïque.
Tariq Ramadan était la figure dans laquelle la jeunesse se reconnaissait. On a perdu un patrimoine collectif à la suite de sa disqualification, légitime ou non.
Nous sommes sponsorisés par l’espérance.
Olivier Le Cour Grandmaison est un passeur et un racommodeur. Il tisse et raccomode. À ce titre nous sommes honorés de l’avoir à nos côtés dans notre combat difficile et complexe actuel. »
Chanson : « Pour nous la vie va commencer… » (à la manière de Georges Federmann).
Évocation du livre d’Alain Bihr et Roland Pfefferkorn : « Le système des inégalités ».
Georges Federmann accompagne Zeïneb Chouaïeb lors d’une chanson qu’elle acomposée à cette occasion « Où on va, où on va ? Chacun devra trouver sa voie ? » Elle s’adresse à ces jeunes, sans papiers, sans travail, venus d’Afrique ou d’ailleurs, en leur disant « Y aura toujours une chance, ce n’est pas perdu d’avance pour qui veut construire malgré tout ».
Alfred Zimmer (du MRAP)
« Le MRAP est le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples. Mais sa vocation s’élargit à toutes les formes discriminatoires. Selon moi, l’amitié entre les peuples se concrétise par la solidarité. Nous avons lutté et luttons aux côtés des forces démocratiques Kurdes, Palestiniennes, des Afgans et maintenant des Iraniens. D’autres organisations participent à l’organisation de cette rencontre de ce soir : La Cimade en premier lieu, OXFAM, Europe Cameroun Solidarité, Femmes du 3ème millénaire-Wietchip, ATTAC Vosges du Nord, PCF, LDH-Strasbourg, la Pastorale des Migrants, le CCFD-TS, le Collectif pour une Autre Politique Migratoire. Nous avons un site où sont informées nos activités et aussi les activités des autres. Nous menons des actions en justice avec l’avocat Me Mingus. Nous attaquons les hommes politiques comme Emmanuel Valls, Jean-Marie Le Pen, Claude Guéan, Brice Hortefeux, Eric Zemmour. On intervient aussi dans les collèges et les lycées avec des courts métrages de 8 minutes sur des thèmes aussi divers que l’islamophobie, les femmes dans le BTP (intersectionnalité), avec des intitulés comme : « Le football un loisir ou un rêve ? », « Dur la vie de réfugié » (y compris de se faire soigner)« , dont à peu près 1000 élèves ont profité cette année, pour des séances durant à chaque fois à peu près une heure.
Depuis 2014 nous publions les brochures Ici et ailleurs sur différents thèmes : Que signifie une république laïque ?, Le plurilinguisme ?, Une histoire universelle ?
Nous avons également organisé une exposition démontable qui va voyager sur le thème des voyageurs et des voyageuses.
Nous essayons particulièrement d’agir contre la montée des idées d’extrême-droite, de soutenir toutes les revendications sociales légitimes et en général tout ce qui favorise la démocratie.
Aujourd’hui où les médias sont aux mains de quelques milliardaires, nous nous attachons à promouvoir un avenir durable et qui mobilise (qui soit souhaitable). »
Roland Pfefferkorn (sociologue)
« Tous les ouvrages d’Olivier Le Cour Grandmaison traitent des relations coloniales et racistes dans l’histoire de la France. Son travail est un travail critique. On peut retrouver ses écrits sur son blog au club de Médiapart. »
Olivier Le Cour Grandmaison
Introduction
« La situation est pour le moins complexe. Une série de thèmes traités dans le livre sont des catégories et des concepts qui suscitent des débats importants, qui souvent sont hélas des polémiques. Des divergences qui ont des conséquences pratiques sur les mouvements démocratiques. On trouve dans le livre vingt-quatre contributions d’auteurs et d’autrices (la parité est respectée) sur les différents racismes abordés, ces personnes appartiennent toutes à des catégories racisées.
Sur ces mots qui font polémique
Le terme « racisé »
Concernant la légitimité du mot « racisé », nous nous référons à de grands textes consacrés à l’étude du racisme, comme celui de Colette Guillaumin, où le mot a été employé pour la première fois il y a cinquante ans : L’Idéologie raciste, genèse et langage actuel. Selon nous, ce mot permet de mieux penser l’existence des discriminations. D’autres mots comme racisme systémique ou institutionnel, analyse inter sectionnelle, islamophobie suscitent également des réactions en tant que tels.
« Discriminations et origines », le rapport de Jacques Toubon
Polémique sur les termes romanophobie et islamophobie
En 2019, Jacques Toubon a publié un rapport intitulé « Discriminations et origines » où il parle de discrimination systémique, où il dit qu’il faut adopter une démarche inter sectionnelle dans la police, dans l’école, dans toute une série d’autres domaines de l’administration étatique. Cette lutte doit être rapportée tout en haut de l’agenda, sous peine que les enfants racisés se voient impactés dans la totalité de leurs vies, y compris et en passant par leur espérance de vie.
Mais il y a d’autres catégories de mots. Deux choses saillantes dans ce rapport de Jacques Toubon qui voulait purger ce débat du racisme d’État : la romanophobie (ou antistiganisme dirait-on au MRAP), qui a perduré sous trois Républiques, et les violences policières intimement liées à l’islamophobie. L’essayiste Caroline Fourest a réussi à imposer, par un mensonge par omission, quelque chose qui est devenu une vérité médiatique et politique. Elle n’a en effet pas indiqué les textes existants qui invalident sa thèse. Dire que les mollahs iraniens ont forgé le concept d’islamophobie est parfaitement faux.
La romanophobie
En 1912, la troisième république et son personnel, les radicaux socialistes sont engagés dans une extrême dureté pour les population « flottantes », les Roms étrangers. Ils font voter une loi qui fait de ces populations une exception : la loi du 16 juillet 1912 « sur la réglementation des professions ambulantes et la circulation des nomades » constitue un tournant dans la politique discriminatoire envers les Tsiganes.
On connait les carnets anthropométriques imaginés par Alphonse Bertillon au début du XXème siècle, permettant de ficher les criminels selon des critères corporels.
Ce dispositif d’exception pensé à une époque pour les criminels est appliqué sur des gens qui n’ont aucun tort sinon celui d’être étrangers et nomades. Les nomades français se voient imposer une carte d’identité qui ne deviendra obligatoire pour les autres français que par la grâce du régime de Vichy, avec la loi du 27 octobre 1940.
Sur la base de critères culturalistes et différentialistes, qui les catégorisent comme dangereuses, cette loi est promulguée et appliquée au motif qu’ils feraient peser une menace sanitaire sur la population sédentaire. Comme il n’est pas facile de les identifier, la loi leur impose une plaque minéralogique permettant aux policiers de les repérer facilement comme nomades. Dès 1939, pendant la période de guerre régime de Vichy, et plus largement la France, les assigne à résidence sur tout le territoire, les suspectant de collaboration du fait de leurs déplacements. Les nomades et de Roms internés ne seront libérés qu’un an après la libération. De fait, les nazis ayant orchestré la destruction des Rom, les extermineront à 90%, ainsi que leurs villages qui seront eux aussi rasés à 90%.
La quatrième république (1944-46), affiche dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 le principe de non-discrimination pour la première fois. Les principes sont beaux mais il y a loin de la coupe aux lèvres, puisque la loi de 1912 perdurera jusqu’à 1969, date à laquelle un livret de circulations sera imposé aux Roms étrangers et aux nomades français.
En 2012, le conseil constitutionnel, saisi par une association, reconnait que la loi du 16 juillet 1912 contrevient à la constitution.
Il faudra attendre encore cinq ans, jusqu’en 2017, pour que les dispositions soient abrogées sans mettre pour autant fin à un traitement différencié de ceux que l’on a appelé « nomades » puis « gens du voyage ». Les populations Rom sont les population racisées qui font face aux plus grandes violences.
Emmanuel Valls a justifié la poursuite du démantèlement des camps parisiens au nom de « la sécurité des biens et des personnes et de la sécurité sanitaire ». Des rapports nombreux l’ont martelé : ce sont en premier lieu ces destructions de bidonvilles qui portent atteinte aux droits fondamentaux.
La romanophobie républicaine d’État est de fait un racisme dont l’État se rend coupable.
L’islamophobie
L’islamophobie est manifeste dans les violences policières à l’adresse des racisés des banlieues, que ce soit de façon continue ou discontinue. Aujourd’hui le 14 octobre, nous sommes à trois jours de l’anniversaire des événements du 17 octobre 1961 et du massacre d’Algériens (de 38 à plus de 200 morts selon les estimations d’historiens) par la police de Maurice Papon. Ces événements ont eu un précédent dans ceux longtemps oubliés, voire dissimulés, du 14 juillet 1953 à Paris, où la police avait aussi ouvert le feu sur les manifestants, faisant 7 morts et près de 50 blessés par balle.
https://www.opensocietyfoundations.org/newsroom/open-society-foundations-europe/fr financées par Georges Soros. Elles sont très claires : si vous êtes de type noir ou maghrébin, la probabilité d’être contrôlé dans l’espace public, dans la rue ou au volant de votre véhicule, est de huit à dix fois supérieure celle d’un français blanc de peau. Face à de telles anomalies, l’État n’a toujours pas réagi ni donné de réponse adaptée.
Un arrêt de la Cour d’Appel de 2021 (des plaignants, jeunes racisés des quartiers populaires qui avaient saisi deux fois les tribunaux jusqu’en cassation en 2015) a conclu, non pas sur une responsabilité des fonctionnaires de la police, mais sur la responsabilité de l’État. Ce qui dit bien que les fonctionnaires ne faisaient que répondre aux injonctions de leurs supérieurs. Ici, nulle bavure, mais l’application d’une politique publique.
Nous sommes donc, après cet arrêt, légitimement en droit de considérer qu’il s’agit bien là d’une politique d’État.
2021, un autre arrêt, la cour d’appel est à nouveau saisie. Une enseignante décide d’emmener ses élèves à Bruxelles. De retour avec son groupe à la gare du Nord, des policiers s’adonnent à des pratiques comme la palpation, l’insulte, la fouille des bagages, lors d’un contrôle sur trois jeunes racisés du groupe.
Là aussi, la cour d’appel conclue que la faute incombe à l’État condamné alors pour faute grave. L’État est alors en situation de récidive.
Ceux qui se gargarisent de la loi républicaine, qui se plaignent que les racisés se rendent coupables de ci et de ça, doivent accepter que la France se plie aux décisions de la cour de cassation et également aux règlements internationaux.
L’islamophobie et Caroline Fourest, rejointe par Gilles Kepel, voudrait faire découvrir au monde que le terme d’islamophobie aurait été inventé par les frères musulmans en Égypte, or c’est complètement faux, puisque ce terme 19ème siècle y était employé couramment par les orientalistes.
En 1910, l’ancien gouverneur général de l’Afrique occidentale française lui-même, qui pourtant se pensait comme un grand colonial, ce qui est une expression laudative dans la France de l’époque, condamna l’islamophobie qui caractérisait la politique de la France. Certains hommes politiques avaient ainsi des charges exorbitantes et prestigieuses, comme par exemple celle de créer l’académie des Sciences d’Outre-mer (ou académie des Sciences coloniales) ou autres institutions ethno centrées, fleurons de la civilisation occidentale.
Le gouverneur général de l’Afrique occidentale française mettait en garde son gouvernement de ne pas créer les conditions de l’instabilité et de la révolte des populations colonisées. Comme on le sait, il ne sera pas entendu, mais traité par ses adversaires d’islamophile ou arabophile.
Dans un contexte d’islamophobie et de racisme élitaire, savant, ces racismes et islamophobies ont eu un effet très important sur l’université. En 1885, au moment où l’on se demandait s’il fallait oui ou non poursuivre la conquête de Madagascar, Jules Ferry, après la conférence de Berlin au cours de laquelle les grandes puissances se sont partagées l’Afrique, déclarait qu’il « Il est du devoir des races supérieures de civiliser les races inférieures ». Cette déclaration est la preuve d’un racisme républicain.
Quelques années plus tard, en 1925, lorsqu’il fallait décider du vote du crédit de guerre, Léon Blum dans un discours affirmait : « Oui, nous considérons que les races supérieures ont un devoir de civilisation des races inférieures, mais de façon pacifique ».
Nous sommes donc parfaitement légitimes à parler de racisme d’État, d’islamophobie, de privilège blanc, de politique des migrants… et autres terme mis en question.
Le terme migrant est un mot valise.
L’amalgame n’empêchera pas que les uns qui migrent pour des problèmes sociaux, les autres pour discrimination, l’asile pouvant être accordé pour des raisons d’orientation sexuelle, d’excision, persécution religieuses, pour raison politiques, à des femmes fuyant des mariages forcés déjà faits ou à venir, ne les empêchera pas, donc, de venir.
La cour nationale du droit d’asile fait l’objet d’un dessein de Gerald Darmanin qui veut en finir avec l’exception en Europe, où la collégialité de certaines chambres de représentants du Haut-Commissariat des Réfugiés, seraient considérés comme « droit de l’hommistes » ou de « laxistes ».
En ce moment il est bien sûr capital de lutter contre l’extrême droite mais c’est insuffisant. Les éléments de langage de l’extrême droite sont partagés désormais par Les Républicains
À l’heure où Valérie Pécresse demande que les demandeurs d’asile fassent leurs demandes directement auprès des ambassades dans leurs pays d’origine, qu’espérer d’un climat où les idées qui constituent une destruction de la convention de Genève fusent de façon aussi éhontée et où les thèses les plus radicales montrent une progression sans précédent ? »
Les questions
Question : « Olivier Le Cour Grandmaison, vous êtes aussi assesseur à la CNDA. »
Réponse d’Olivier Le Cour Grandmaison : « Le Conseil National du Droit d’Asile, oui. J’ai eu à connaitre des centaines de dossiers de requérants. Ce qui me permet d’infirmer un certain nombre de discours. Ce qu’est un parcours d’exil ? Ce ne sont pas des voyages mais des périples au cours desquels les femmes subissent à 90% des viols. Le coût financier d’un voyage est de 7 à 15 000 euros, pour 6 mois de périple.
Ils savent qu’en France, s’ils obtiennent l’asile cinq ans après c’est quand même des hommes et des femmes qui vont être séparés des leurs pendant 5, 6, 7 ans. Les séparations peuvent durer 10 ans, 20 ans.
Tous ces migrants désirent-ils tous venir au Nord ? Non car 86% des réfugiés se trouvent dans les pays du Sud. Les trois ou quatre pays du monde à recevoir les réfugiés sont la Turquie, le Liban (30% de la population du pays) où 90% des réfugiés Syriens vivent dans une extrême pauvreté. Le troisième pays est la Colombie et le quatrième l’Angola.
Certains déterminants conduisent la France et les Européens actuellement, comme la directive élaborée après la guerre de Serbie contre le Kossovo. Les états peuvent en cas d’exil et de présence massive des réfugiés, décider de mettre en place des mesures de protection. Jamais depuis 2001 et ses événements aux Balkans, ces mesures n’ont été actionnées, sauf récemment pour les Ukrainiens. Pour les autres réfugiés, on tolère la torture, l’exécution forcée, le crime contre l’humanité et le génocide, pendant que les Ukrainiens réfugiés peuvent scolariser leurs enfants, bénéficier de cours de langue, ont même le droit de travailler sur le sol européen qui les accueille bras ouverts… Il n’est ainsi plus question d’« appel d’air » ; les effets du racisme culturaliste et différentialiste ne peuvent plus faire polémique quand à ce point les autres demandeurs d’asiles se voient altérisés par ce contraste dans l’accueil. »
Question : « La France où l’on déplore un racisme d’état est-elle pour autant un état raciste ? »
Réponse d’Olivier Le Cour Grandmaison : « Il faut faire une distinction entre les deux en citant trois pays comme ayant été ou étant des pays racistes : l’Afrique du Sud, les États-Unis et maintenant Israël qui a été qualifié de pays d’apartheid par Amnesty International«
Question : « À l’instar de Valérie Pécresse, la tendance actuelle des politiques migratoires européennes est d’inciter, voire de contraindre les pays d’origine à retenir ses migrants (avec notamment la conditionnalité de l’aide au développement) au moyens notamment de l’externalisation des frontières. »
Réponse d’OLG : « Le phénomène de l’externalisation des politiques anti migratoires et des camps, l’exportation sur les frontières est et sud de l’union mais aussi au sein des territoires mauritanien, nigérien (lien vers Alarm Phone Sahara), sénégalais par le biais de la constitution de police anti migratoires dans ces pays.
En Mauritanie où l’esclavage n’a jamais été complètement aboli, même s’il a été inscrit dans la loi comme pratique criminelle, ce dernier a tendance à reprendre tandis que se développe dans certains autres pays africains comme le Maroc un phénomène de « négrophobie ».
Si les morts au Sahara sont de la responsabilité de l’Europe et de Frontex (lien vers Xenophoby) pour une grande part, elles le sont aussi des états tiers eux-mêmes.
Il y a une résistance sur le sujet de l’intersectionnalité. Or, quand vous êtes femme, vous êtes discriminée, si vous êtes noire, si vous êtes musulmane, si vous êtes voilée, ces quatre stigmates auront des effets cumulatifs sur votre vie. Si on veut travailler à la convergence des luttes, il faut que toutes ces catégories spécifiques soient prises en compte.
Simone Weil, la philosophe, a choisi de prendre la condition d’ouvrière dans les années 30. Elle découvre la condition des travailleurs dit exotiques et se rend alors compte des violences spécifiques qu’ils subissent. Elle note en outre que l’on n’accorde absolument aucune importance à leurs conditions.
« J’ai honte du parti socialiste » dit-elle. « J’ai honte de la classe ouvrière ». Mais ce sont les organisations ouvrières elles-mêmes qui devraient avoir honte de ne pas prendre en compte ces réalités. Quand un ouvrier blanc sort de l’usine, il ne fait pas face à tous les problèmes liés à la couleur de peau, à l’origine. Simone Weil observait : « Notre conception de la classe ouvrière est encore et toujours blanche ». »
Question : « Concernant les dérives racistes de l’état français, que risquent les responsables aujourd’hui ? Il n’y a manifestement pas de conséquences pour eux. »
Question : « La loi de 2017 a abrogé les dispositions discriminatoires. Y a-t-il des faits positifs constatés ? Si l’État est raciste, quel espoir ? »
Réponse d’Olivier Le Cour Grandmaison : « En effet, si l’on en croit les discours officiels actuels, l’inertie prévaut. Dernièrement, le président Macron lui-même renvoyait la responsabilité au seul Papon concernant les massacres du 17 octobre 2017, comme si ce dernier n’avait pas reçu d’ordres de ses supérieurs, c’est-à-dire de l’État. »
Question : « Il semble même dangereux aujourd’hui de parler de racisme d’État. Le CCIF n’a-t-il pas été dissous pour ce motif ? »
Réponse d’OLG : « En effet, le CCIF a été dissout pour cause de paroles seulement, pour avoir seulement accusé l’État d’islamophobie. »
Question : « Néanmoins il est important de nommer les choses. Un député LREM a qualifié le FN de xénophobe, se faisant taper sur les doigts. Pourtant ce parti est bien xénophobe et raciste et a déjà été condamné pour incitation à la haine raciale. Le maire de Stains sur CNews a eu des propos qui ont entrainé des actes violents par des militants d’extrême droite. On est dans un tel rouleau compresseur dans l’information avec en face une extrême droite très organisée. À vous écouter, la solution c’est l’éducation, la connaissance. »
Réponse d’OLG : « Nous sommes dans une situation d’involution. Un auteur, François Sureau, un académicien ancien conseiller de François Fillon, donc de tendance libérale, s’alarme de la dégradation de la politique en France dans un livre de 25 pages intitulé « Sans la liberté ».
Actuellement où les femmes gagnent 25% de moins que les hommes à travail égal (la France est à ce titre au 21ème rang mondial !), il faut des catégories auto-déclaratives. Car depuis la lutte pour le CPE (Contrat de Première Embauche) du gouvernement Villepin , nous (collectivement), n’avons jamais gagné sur les revendications à la suites des mouvements, des grèves, etc.
On n’inverse pas des situations pareilles facilement. La reconquête va être à la mesure des défaites passées. La solution est sans doute d’adresser aux maires, aux élus locaux de la NUPES, des demandes pour que ces questions soient placées au plus haut de l’agenda politique, car dans tous les domaines de la vie civile, les populations racisées sont soumises à des situations difficiles. »
Question : « les communautarismes ne sont-ils pas un peu responsables de ces politiques ? »
Réponse d’Olivier Le Cour Grandmaison : « Le mot communautarisme est un concept dent creuse comme disait Gilles Deleuze. Un concept est comme des lunettes, il sert à voir mieux de loin mais aussi mieux de près. Le terme « communautarisme » est un terme de stigmatisation qui vise à faire croire que les racisés luttent pour obtenir des droits singuliers pour eux et pour les membres de leur communauté. Ce n’est pas le cas des racisés des quartiers populaires, qui ne demandent que le respect de leurs droits.
L’accusation de séparatisme tend à faire croire que les jeunes des quartiers populaires feraient peser une menace sur l’intégrité de la nation.
Le parti En Marche qui s’est rebaptisé Renaissance (sic) a prudemment renommé sa loi islamophobe (ou anti-musulmane) et liberticide « loi contre le séparatisme » par le nouvel intitulé « loi pour le renforcement des principes républicains », jugé plus positif. Cette loi constituée contre les musulmans sert maintenant à empêcher la désobéissance civile aux associations quelles qu’elles soient.
Le racisme culturaliste succède au racisme élitaire dit scientifique et anthropologique porté par des scientifiques au 19ème siècle. L’un d’entre eux, P. Broca professait que le cerveau des noirs avait un cubage inférieur à celui des blancs, pour expliquer leur infériorité. Depuis, on sait que le concept de race n’a aucune pertinence. »
Intervention de Pierre Greib de la Cimade : « Nous avons élaboré une nouvelle charte dans le cadre de Pour une nouvelle politique migratoire, dont la vocation est de porter un autre regard sur l’étranger et sensibiliser d’autres personnes sur ces politiques d’externalisation.
Le domaine de l’étranger et du migrant est un domaine où des ouvrages très intéressants ont été faits par de nombreux auteurs.
Question de Liliane de l’association Europe Cameroun Solidarité : « Et la guerre du Cameroun ? Cette guerre coloniale n’est jamais citée, s’est pourtant déroulée pendant la guerre d’Algérie. Elle invite les personnes présentes à venir le 12 novembre prochain à Marcel Marceau pour la journée des fondamentaux… »
Réponse d’Olivier Le Cour Grandmaison : « Oui, cette guerre au Cameroun est un fait important que nous n’oublions pas. L’homme politique Pierre Messmer a de grandes et lourdes responsabilités vis-à-vis des crimes perpétrés au Cameroun dans ces années-là. »
1 commentaire
Que de complexité, d’ambiguïté, de bêtise, de disparité, d’ignorance en notre vaste monde !
Un travail de fourmi.