Retour au pays « Les voix croisées »

Un film documentaire d'auteur déroule des chemins incandescents

de Valérie Dubach

Le film documentaire « Les voix croisées » (Xaraasi Xanne), réalisé par Raphaël Grisey et Bouba Touré,  est visible sur La Lucarne d’Arte. Frappant par son esthétisme et son rythme, il fait de l’histoire des immigrés, des migrants, anciens colonisés, et autres travailleurs et ouvriers de France, une histoire incandescente de la France. Des clés s’y offrent à toute personne curieuse de comprendre ce qui s’est passé pendant sa propre enfance française, de découvrir ce qu’y ont dit les journaux, mais surtout de découvrir les beautés, les pépites qu’on leur a cachées.

Une histoire d’amitié

Raphaël Grisey et son ami Bouba Touré y cheminent avec d’autres personnes originaires d’Afrique, sur ce long cours des décennies ayant vu les travailleurs africains revêtir les tristes habits que la France leur donnait. On y voir des travailleurs africains qui n’arrêtent pas les actions et les manifestations, avec intelligence et conscience.

Par ses témoignages et ses documents, comme dans le film « La vie devant nous », qui éclairait le rôle du recruteur Felix Mora dans le sort des hommes jeunes déplacés pour travailler dans les mines, le documentaire « Les voix croisées » reconstitue les réalités écrasées sous les gros titres des journaux de leurs époques.

La beauté

Même s’il y a beaucoup de tristesse, ce n’est donc pas la disgrâce que l’on découvre, malgré les volontés politiques françaises engluées dans le laisser-faire, avec cet assentiment silencieux qu’on leur voit encore aujourd’hui, mais souvent la joie par la couleur, la danse, le chant, l’amitié, la solidarité, l’intelligence et la dignité, et surtout la poésie, lors des luttes pour la vie de ceux qui ont forgé les générations de maintenant.

 

Un déroulé du documentaire « Les voix croisées » est disponible pour mieux appréhender la richesse de ce film :

Retour au pays

2-3:00 Arrivée des migrants de retour dans leur pays dans une pirogue des J.R.F. (la Jeunesse Rurale du Fleuve)

Le bonnet Amilcar Cabral, activiste indépendantiste sous le régime de Salazar au Portugal.

La terre ne ment pas

3:50 Les termites, dès le début du documentaire, apparaissent comme les amies de l’agriculteur, symbole fort africain, présent dans les légendes et dans la vie quotidienne africaine. Les termitières sont impressionnantes, sculpturales, inspirantes.

5:00 « La terre ne ment pas » proverbe du jour par l’algorithme polyradiophonique (Radio de Kayes).

« Le personnage que j’incarne »

« Ma vie a commencé il y a déjà depuis plusieurs siècles. Je ne peux pas parler de moi sans parler du personnage que j’incarne. Ils sont venus dans mon village et m’ont ramassé comme toutes les personnes valides, comme ils ont ramassé les récoltes… j’ai eu la chance de revenir (tous les autres sont morts) »

« Il y a peu de différence entre être soldat et être ouvrier »

7:30 Images des tranchées, de l’époque des Poilus à laquelle ont participé les Africains, images d’aujourd’hui

9:00 Bouba Touré : 58 rue Trousseau Paris 11ème, une chambre occupée pendant cinquante ans.

Des montres et des horloges partout. « Le temps compte beaucoup, je marche avec le temps. ». « Il faut faire des choses qui restent, pour les autres ».

11:00 Image de clandestinité « Je suis celui dont le père…, dont l’arrière-grand-père… »

Manifestations et grèves : les voix croisées des immigrés travaillant en France

11:30 Manifestation filmée par Bouba devant la Bourse du Travail.

« Personne ne prend le métro à République, tout le monde le prend à Oberkampf… »

« Vous crééz le racisme »

13:10 « Vous créez le racisme… Vous reproduisez la même chose dans les journaux. C’est tout un enseignement, tout un système d’éducation que vous mettez en place pour diviser les travailleurs français et immigrés… ».

13:40 « Mais pourquoi vient-on en France ? » « Nous vivons comme des rats dans les chambres… 90% des Français sont ingrats… Les Africains ont souffert pour la libération de la France, mais ça n’a pas été reconnu ».

Conditions de logement sordides

Images du foyer Riquet, ouvert par un marchand de sommeil : 300 personnes pour 2 robinets et 2 WC seulement, aucune chambre n’a de fenêtre, ni d’interrupteurs, mais aussi les rats, la vermine et les maladies. En France, 90% des tuberculeux sont des immigrés et 90% des immigrés habitent dans des taudis (les poêles à charbon allumés directement dans les dortoirs).

Témoigner, informer, diffuser

16:30 Les Français qui nous donnaient les cours de français voulaient savoir comment on était logé. C’est là que j’ai eu l’idée de faire des photos. J’en ai envoyé partout, j’en ai pris tous les jours depuis, en noir et blanc, en couleur, sans m’arrêter, j’ai diffusé ces images, de mains en mains, d’un continent à l’autre…

Films, pièces de théâtre, réflexion, instruction, politisation

19:05 Pièce de théâtre de Bouba Touré

19:55 Cercueils de 5 immigrés décédés pendant la nuit de la St Sylvestre dans un taudis d’Aubervilliers, à cause de la négligence du gérant.

21:00 Occupation symbolique du centre du patronat français par des gens dits gauchistes : « À bas les foyers prisons ! ».

Le même jour un foyer à Ivry est occupé aussi, prévu pour 150 immigrés mais dans lequel 600 s’entassent. Deux nord-africains sont trouvés dans le canal de l’Ourcq les têtes fendues. Dès la fin de 1970, début 1971, une lutte s’organise, par des grèves de loyer, qui se répandent dans les bidonvilles comme une trainée de poudre.

Bouba Touré : « Je passe beaucoup de temps à l’université libre de Vincennes. C’est là que j’ai appris le métier de projectionniste ».

Films « Bicots nègres vos voisins  » et « La grève des sans-foyer à Riquet » (Sydney Sokhona).

23:40 « À bas l’État policier ! »

24:00 Théâtre : Agitation Propagande (Agit Prop)

Des vies d’esclaves

25:00 Grève du foyer contre le gérant l’Archer immobilier (les loyers grimpent en flèche à Paris dès le début des années 70).

25:30 « Il s’agit pour nous de faire cesser les vies d’esclaves que nous subissons depuis des années »

26:00 « Le ratissage n’est pas un forfait, c’est le gouvernement français, la bourgeoisie française qui ratissent. »

ACTAF Association Culturelle des Travailleurs Africains Français « On a appris à réfléchir »

« On défend la lutte pour l’indépendance des pays lusophones ». Bouba : « On projette des films à ce sujet dans les foyers. »

Amilcar Cabral du Cap Vert à côté du Che.

Images des combats de Guinée Bissau et Cap Vert.

… la suite du décryptage minute après minute du film documentaire d’auteur « Les voix croisées » c’est ici

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