Un spectacle de Renaud Herbin directeur du TJP
« Par les bords » est un spectacle initié par Renaud Herbin (directeur du TJP CDN Strasbourg Grand Est & L’Étendue), et créé en collaboration avec, entre autres, Côme Fradet, Sir Alice et Gregory Dargent.
Après le spectacle, Renaud vient parler avec un petit groupe de lycéens parlant peu de français, pour recueillir leurs impressions.
Voyant lui-même son spectacle comme un ensemble « d’évocations », il se dit curieux d’entendre les retours des jeunes spectateurs. Y a-t-il des mots dont ces derniers ou dernières se souviennent ?
« Je suis celui qui vient du pays de lumière » est une phrase qui a marqué. Ils ont aimé la musique par Gregory Dargent, le poème de Sir Alice, les actions, le mouvement du danseur Côme Fradet.
Renaud Herbin voulait la parole poétique pour une parole ouverte, détachée du sol, comme la musique qui selon lui est très ouverte, du fait de la sonorité du Oud.
Les élèves notent que le personnage du danseur a des difficultés à se lever et avec la force de se lever.
L’émotion qui les a saisis c’est le drame. Si certains parlent d’un climat mélancolique, d’autres parlent de douleur.
Renaud précise aux jeunes lycéens qu’Antony était à la lumière et Olivier au montage de la scène et au son, des contributeurs invisibles.
Quelle a été la genèse du spectacle, était-ce une idée ancienne ?
Renaud avait envie de travailler avec des artistes comme Jean-Baptiste André ou Côme Fradet, qui ont la capacité de faire comme lui faisait avec les marionnettes, c’est-à-dire avec cette façon d’être des corps essayant de s’échapper dans des conditions pas communes.
Mais surtout, une expérience est intervenue dans ce désir de spectacle, par l’évocation d’un groupe d’Afghans qui ont fui leur pays pendant l’été 2021. Ce sont maintenant des personnes qui vivent à Strasbourg pour pouvoir y projeter leur nouvelle vie.
Ces personnes qui ont vu la mort en face cherchent maintenant où trouver la force, la puissance.
Comment retrouver la verticale, des appuis dans le sol ?
Renaud et le TJP va comme chaque année prendre rendez-vous avec le groupe de lycéens pour quatre après-midis, où il tentera de partager avec eux un peu de ses connaissances, en travaillant avec eux pour les mettre un peu en mouvement.
Contribution de l’auteur de l’article (admin) à partir du texte d’Alice Sir et du spectacle qu’il est allé voir :
« Le rectangle au sol et ses quatre côtés forment tout d’abord Le Lieu, celui qu’il faut apprivoiser, celui qu’il faut accepter et comprendre, qui ne vous permet pas de vous mettre à la verticale parce qu’il est, à l’occasion, à la verticale lui-même, et vous devez prendre appui, ne pas glisser.
Vous devez vous contorsionner, dans l’espace qui vous est imparti, que vous ne connaissez pas encore, ni ses règles, ni ses usages, parfois.
Vous le connaissez mal, cet espace, mais il a sa projection sur votre tête, qui vous parle, qui vous écrase, qui vous toise.
Vous l’appréhendez alors, vous tentez de le maitriser, de jouer avec, quand il ne se fait pas trop proche, impérieux.
Vous le faites se balancer, c’est dangereux mais c’est aussi votre plaisir, enfin.
Vous avez trouvé la bonne distance, celle où vous pourrez l’admirer, ce rectangle sur votre tête, il sera alors un peu à vous aussi.
Apprivoisement.
Une voix vous demandera « Qui t’es toi ? » alors que vous serez tout à votre équilibre sur les marges, toujours flottant, quoique toujours intelligent.
Par hasard, votre équilibre vous faisant défaut, vous atterrirez dehors, hors du rectangle.
Événement, sensation, compréhension.
Vous avez touché l’Étendue. Les pieds soudain à l’aise sur le sol de l’Étendue, vous trouverez le rectangle au sol plus petit.
Vous lèverez la tête comme par réflexe et appartiendrez au ciel. Vous serez partie du tout, chez vous, surpris d’être en sécurité dans l’immensité dont vous aurez oublié les murs, les segmentations, les codes, les bruits des mots et des justifications.
Convoquer la force, alors, on ne sait jamais. »